Mon métier de thanadoula amène la conscientisation et la verbalisation par mes accompagnés de leur rapport à la mort. Cela implique de se confronter à la peur de la mort et de toute chose qui rappellerait celle-ci. La Thanatophobie est donc une porte d’entrée que j’indique à mes accompagnés pour amener déconstruction et apaisement autour de la mort. Cela s’opère sans pour autant nier l’impact que la mort a sur toutes les sphères de notre vie.
Depuis le 27 mai 2024, est débattue à l’Assemblée Nationale la loi sur la fin de vie. Les débats autour du texte actuel, et son contenu, nourrissent en moi des questionnements profonds.
Suicide assisté, euthanasie et thanatophobie.
Mon rôle en tant que Thanadoula n’est pas de donner mon avis sur le suicide assisté et l’euthanasie. Je n’ai pas à influencer la décision de mes accompagnés que ce soit dans un sens ou dans un autre. Ce qui ressort pour moi est une impression d’un basculement. D’une peur généralisée de la mort dans notre société, où tout simplement parler de la mort demeure très tabou, à la mise en avant de la mort comme une solution miracle. D’une société qui met tous le moyens pour repousser la mort en invisibilisant le deuil, ou en proposant des avancées technologiques simulant une forme d’immortalité, à une société où la mort serait un instrument d’évasion.
Je ne suis pas soignante. Je n’ai aucunement les compétences pour me prononcer sur les cas où le suicide assisté ou l’euthanasie serait l’unique solution pour abréger les souffrances du patient. En revanche, mon rôle est de connaître de façon claire et précise la nature des solutions existantes pour mes accompagnés.
Une pente glissante vers la thanatophilie ?
Au-delà de ça, il me semble que je vais devoir redoubler de vigilance lors de mes accompagnements. Je ne voudrait pas créer inconsciemment une pente glissante dans la réflexion de mes accompagnés.
Je m’explique: je les aide à apaiser leur rapport à la mort, leur thanatophobie. Cela ne veut pas dire que je les amène à la souhaiter, à l’attendre impatiemment. Cela veut dire que j’aide à lever les tabous, les non-dits, les sentiments de honte, de culpabilité, les inquiétudes pour ceux qui resteront. Mais est-ce que certains accompagnés ne feront pas un amalgame entre être apaisé face à la mort et la souhaiter ? Quels sont les garde-fous que je peux mettre en place pour éviter cela ? Et ce tout en accompagnant à la rédaction des directives anticipées, et en déconstruisant la peur de la mort ?
Se former pour ne pas nourrir la thanatophilie
J’ai validé une formation sur l’accueil du discours suicidaire. Je suis convaincue que les compétences que j’ai développées me donnent une base pour identifier si toutefois ce glissement s’opérerait. Mais il me paraît primordial aujourd’hui d’avancer main dans la main avec les soignants pour nourrir ma compréhension des enjeux autour de notre rapport à la mort en tant que société.